Louis éteignit la radio et revint s'asseoir à table, devant son assiette, l'esprit embrouillé.
- Tu comptes aller quelque part, cet après-midi ? Demanda sa mère, avec ce faux air de ne pas y toucher.
- Hum ?... Oui. Je dois faire un saut aux Archives départementales. Dit-il d'une voix monocorde tout en étudiant de près les motifs floraux de la nappe en toile cirée.
- Aux Archives ? Tu vas y chercher quoi ? Dit-elle en remplissant l'assiette de son fils d'une grosse louchée d'un boeuf carotte encore fumant.
- Oh... Des choses qui m'aideront à y voir plus clair... Enfin, je crois...
- Tu ne penses pas que tu devrais laisser tomber tout ça et passer ce qui te reste de congé à te reposer et te refaire une santé avant de repartir là-bas, sur Paris ? En quoi cette histoire te concerne ? Dit-elle en prenant le masque de l'étonnement et ce ton qui s'efforçait de rester léger. - A l'époque, tu n'étais qu'un gamin ! Trente ans ont passé depuis... Tu devrais peut-être tourner la page une bonne fois et couper les ponts ! Puis son visage se mua en une moue d'inquiétude et sa voix, en une supplication : - Fais-le pour moi, Louis, pour ta maman. je suis pas tranquille... cette vilaine affaire ne peut que t'apporter des ennuis. Ah ! Cette lettre ! J'aurai dû la brûler, la déchirer et ne pas te la transmettre !
- Non. Tu n'aurais pas pu.
- Pourquoi ça ?
- M'man, tu crois en la destinée ? Ce qui m'arrive aujourd'hui n'a rien à voir avec le hasard. Je devais renouer avec le passé... C'était écrit.
Sa mère soupira et abandonna d'un geste de désespoir. Elle prit place en table, à l'autre extrémité, silencieuse et contrariée...
- En tous les cas, méfie-toi de ce Jean-Pierre. Dit-elle le nez dans son assiette.
- Jean-René, m'man. Rectifia Louis.